Le 9 avril 2025, Google annonçait l’extension de ses AI Overviews, ces encarts générés par intelligence artificielle qui apparaissent désormais au sommet de certains résultats de recherche. Plus d’une dizaine de pays européens y ont déjà accès. Mais la France, elle, reste à l’écart. Une décision qui soulève autant d’interrogations que d’inquiétudes dans l’univers du numérique et de l’édition.
Un lancement mondial… sans la France
« Nous devons composer avec des incertitudes juridiques propres à certains marchés », expliquait sobrement un porte-parole de Google lors du déploiement de la fonctionnalité en Europe. Derrière cette phrase prudente se cache une réalité plus complexe.
En France, les relations entre Google et les éditeurs de presse sont historiquement tendues. Le bras de fer sur les droits voisins, qui a abouti en 2021 à des accords financiers inédits, a laissé des traces. Ajouter à cela un arsenal réglementaire européen renforcé – RGPD, Digital Markets Act, bientôt AI Act – et l’on comprend pourquoi la firme californienne avance à pas comptés.
Un bouleversement pour le trafic en ligne
Pourtant, le sujet dépasse de loin la seule question des droits d’auteur. Dans les pays déjà concernés, les AI Overviews changent profondément la dynamique du référencement naturel. L’internaute pose une question, et Google lui livre une synthèse immédiate, sans qu’il soit nécessaire de cliquer ailleurs.
Les premières études sont sans appel : selon Ahrefs, le taux de clic sur le premier résultat organique s’effondre parfois de plus de moitié lorsque l’aperçu IA est affiché. Pour les éditeurs et les entreprises, cela signifie moins de visibilité, moins de trafic, et donc moins de revenus.
« C’est une double peine, estime un consultant SEO parisien. On se bat depuis des années pour grimper en première position. Et demain, même la première place pourrait ne plus rien valoir. »
Le paradoxe français
À court terme, l’absence des AI Overviews en France protège paradoxalement les acteurs locaux. Les médias continuent d’attirer des lecteurs depuis Google, les e-commerçants conservent leurs visiteurs, et les agences marketing peuvent encore miser sur des stratégies classiques de référencement.
Mais cette protection a un revers : elle empêche aussi les entreprises de se confronter dès maintenant à la nouvelle donne. Pendant que les voisins suisses ou italiens s’habituent à optimiser leurs contenus pour l’intelligence artificielle de Google, les acteurs français restent dans l’attente. Certains passent déjà par des VPN pour tester la fonctionnalité depuis Genève ou Zurich.
Une bataille politique et économique
Derrière ce retard se joue en réalité une bataille politique. Les éditeurs de presse redoutent de voir Google capter une part encore plus importante de la valeur de l’information. Les pouvoirs publics, eux, se méfient d’un outil qui pourrait affaiblir des médias déjà fragilisés par la transition numérique.
Du côté des entreprises, le discours est plus nuancé. Beaucoup reconnaissent les risques, mais y voient aussi une opportunité. Être cité dans un aperçu IA, c’est bénéficier d’une visibilité instantanée et d’une caution implicite de Google. Le problème, c’est que personne ne sait encore selon quels critères Google choisit ses sources.
Et maintenant ?
À Bruxelles, une plainte a été déposée contre Google en juillet 2025 pour abus de position dominante lié aux AI Overviews. Elle pourrait retarder davantage encore leur lancement en France. Mais rares sont ceux qui doutent que cette innovation finira par franchir nos frontières.
La question n’est donc pas de savoir si l’Hexagone aura droit à ses aperçus IA, mais dans quelles conditions. Avec quelles garanties pour les éditeurs ? Quelle transparence sur les choix algorithmiques ? Et quel impact sur le marché de la publicité en ligne ?
En attendant, les professionnels du numérique observent attentivement ce qui se passe à l’étranger. « Nous avons quelques mois d’avance pour nous préparer, conclut le même consultant SEO. Mais le jour où Google activera son IA en France, il faudra être prêt. Car le paysage du web, lui, aura déjà changé. »
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